La nature en question
Atelier de recherche
La nature en question
Ce séminaire s’inscrit dans le cadre du sujet annuel « Nature » du DFK Paris. Il sera l’occasion de croiser les différentes approches actuellement explorées par les cinq boursières du programme, en envisageant la nature à travers des axes aussi divers que la notion de « nature coloniale », la représentation de la nature, la transposition de la conception occidentale de la « nature » à d’autres contextes, ou encore les réflexions autour de la dialectique nature-morale.
Jeudi 10 juillet 2025
14h30 – 15h30
Clémence Fort : Du bouleau au canot : définir la « Nature » canadienne dans les collections françaises du XVIIIe siècle
Cette communication propose d’interroger la manière dont se construit la notion de « nature » à l’époque moderne, à travers l’étude de cas des canots d’écorce de bouleau. Depuis les forêts de la Nouvelle-France jusqu’aux aux collections françaises du XVIIIe siècle, ces objets invitent à penser les glissements conceptuels qui accompagnent leur passage d’un usage quotidien à un statut d’objet de collection. Cette communication explorera les différentes acceptions de la « nature » mobilisées dans ces contextes : une nature « utilitaire » au service d’une logique impériale de maîtrise des territoires canadiens, une nature « artificielle » produite par une chaîne de savoirs et de techniques qui reconfigure l’objet colonial selon les logiques savantes européennes. Enfin, une nature « curieuse » qui suscite fascination par la présence et l’usage de ces objets à Versailles et à Paris.
15h30 - 16h30
Claire Sourdin : François Boucher et la fabrique de la nature : réflexions autour de La forêt (1740)
La forêt est présentée au Salon de 1740 avec un autre paysage du peintre présenté dans le livret comme une Vue d’un moulin avec un temple dans le lointain. Si cette paire de tableaux, remarquable en raison de la part importante accordée au paysage chez Boucher, n’a pas fait l’objet de nombreux commentaires dans les écrits en marge du Salon, elle permet d’aborder de façon efficace la représentation de la nature par le peintre. À travers la notion d’écart – écart esthétique, social et symbolique –, cette communication propose de considérer les rapports entre une nature peinte, une nature vécue et une nature pensée au XVIIIe siècle. Le pendant servira de point d’ancrage à une réflexion plus vaste sur la forêt à cette période et permettra d’approfondir les enjeux autour de la représentation de la nature sylvestre, mise en scène dans un locus amœnus, qui met en tension poétique et vérité agronomique.
16h30 – 17h30
Pauline Mari : Chasser le naturel : une étude de l’animalité au cinéma. Méthodes et étude de cas
La plupart des grands cinéastes se sont confrontés à l’état de nature, à sa flamboyance, sa pureté, son martyre, sa folie d’instinct dans la forme où elle s’exprimait le mieux : l’animalité troublante. La bête n’y apparaît pas, elle surgit à la psyché. Et souvent pour un état de contemplation, de ravissement, de cauchemar parfois, aussi en hommage à ce qu’elle porte de nous-mêmes. Il s’agira d’esquisser une approche des animal studies au cinéma et de procéder à des études de cas.
Vendredi 11 juillet 2025
9h30 – 10h30
Coline Desportes : Dénaturaliser la nature ? Questions méthodologiques autour d’un corpus postcolonial
Cette communication présente les questions méthodologiques auxquelles s’affronte mon projet en cours au Centre allemand d’histoire de l’art. Je me demanderai en particulier comment aborder les images de faune, de flore et les paysages du corpus que j’étudie - celui des tapisseries produites au sein de la manufacture nationale de tapisserie dans les années 1960 et 1970 au Sénégal - sans rejouer l’assignation à la catégorie “nature”, laquelle découle d’une partition ignorée, voire dénoncée, par les acteurs historiques.
10h30 - 11h30
Clara Lespessailles : La nature en mouvement. Idée et expérience chez Ingres et ses élèves
Il s’agira de partager des réflexions méthodologiques, théoriques et artistiques autour d’une question centrale : que signifie « la nature » pour Ingres et ceux qu’il forme ? À la fois modèle esthétique, norme morale, idéal insaisissable et concept profondément évolutif, la nature devient pour ces artistes un terrain d’expérimentations et d’interprétations multiples, parfois dissonantes. Je m’attacherai à faire apparaitre certains nœuds critiques — comme la formule récurrente de « copier la nature », son ambivalence, ses usages contradictoires — et à interroger ce qu’ils révèlent d’un basculement entre tradition académique et sensibilité romantique. Ce sera l’occasion d’interroger comment, dans la pratique comme dans les discours, s’articulent imitation, invention et observation empirique en convoquant entre autres la pensée d'Ernst Gombrich. À travers une étude de cas — le Martyre de saint Symphorien —, j’envisagerai les réponses esthétiques apportées par Ingres, et ce que celles-ci engagent en termes de méthode et d’idéal. Je proposerai enfin d’ouvrir vers un autre versant de ma recherche : le paysage, pensé non seulement comme genre pictural, mais aussi comme expérience sensible. Car les excursions dans la campagne romaine, pour ces élèves, deviennent un véritable exercice du regard, une nouvelle forme d’attention au monde.